Cérémonie du D-Day 2014 Léon Gautier à Ouistreham

29/06/2014 09:54

 

Léon Gautier est fatigué, « très fatigué ». Les sollicitations, les interviews, les cérémonies usent ce vieux bonhomme de 92 ans qui n’a « plus le temps de profiter de (s)a famille ».



Et de fouler avec sa canne le sable de la plage d’Ouistreham qu’il avait investie soixante-dix ans plus tôt avec ses camarades du commando Kieffer.

Ces 177 marins furent les seuls Français à débarquer en Normandie le 6 juin 1944, intégrés dans les forces britanniques.

Leur chef, le commandant Philippe Kieffer, obtint symboliquement que son groupe débarquât de la barge 527 en premier sur Sword Beach, avant de contrôler le central téléphonique, le casino d’Ouistreham, puis d’opérer la jonction avec les Britanniques au fameux Pegasus Bridge à Bénouville. « Et de partir pour 78 jours et 78 nuits dans la bataille », ronchonne-t-il un peu.

« Mais nous étions contents car nous rentrions en France », rappelle Léon Gautier qui s’était engagé à 17 ans en 1940 par « patriotisme ». Seulement, 24 d’entre eux ne furent pas blessés pendant la bataille de Normandie.

Ce commando Kieffer, longtemps oublié dans la masse des 140 000 hommes du D-Day, est à l’honneur cette année. Cela touche Léon Gautier, président de l’amicale des anciens du commando Kieffer (une dizaine reste en vie). Les 177 constituent les grands-pères des réputés commandos marine d’aujourd’hui (l’un d’eux a été nommé Kieffer en 2008) qui conservent le béret vert et même le logo, un poignard sur un voilier et une croix de Lorraine, dessiné en Angleterre par un des membres, Lucien Chauvet.

Héros anonymes

C’est la grande histoire. Elle émeut toujours Léon Gautier, un Rennais qui a fini par accomplir un formidable retour aux sources du Débarquement il y a une vingtaine d’années. Il s’est installé à Ouistreham avec Dorothy, sa femme anglaise, rencontrée en 1943. Il s’est découvert un ami au même endroit, un ancien soldat allemand, Johannes Börner, devenu Jean et qui épousa une Française. La petite histoire est aussi belle.

Hier après-midi, les deux hommes ont conclu la cérémonie du 70e anniversaire en avançant sur la scène. Deux héros anonymes, bientôt entourés par d’autres vétérans et des enfants d’Ouistreham. Depuis les mains serrés de François Mitterrand et d’Helmut Kohl à l’ossuaire de Douaumont de la Première Guerre mondiale, le 22 septembre 1984, le geste clame une autre ère.

« La paix, il faut la garder précieusement, insiste Léon Gautier. Les Allemands ont suivi Hitler comme des moutons. Ça pourrait nous arriver. »

"La voix du Nord du 6 Juin 2014"